LA DERNIÈRE IMPÉRATRICE DU VIETNAM

Nam Phương : L’impératrice oubliée !


Si son nom vous est inconnu, c’est normal.

L’impératrice Nam Phương est née sous le nom de Jeanne-Marie-Thérèse Nguyễn Hữu Thị Lan, le 4 décembre 1914 en Cochinchine alors colonie française, d’une famille très riche, profondément catholique, très francophile et moderniste.

Elle est en outre liée à la cour d’Annam par le biais de ses parents : sa mère étant la petite fille du plus grand propriétaire terrien de Cochinchine, Le Phat Dat, dont les terres ont justement été données par le gouvernement annamite.

En effet à cette époque, l’Annam n’est plus une colonie comme la Cochinchine, mais un protectorat français. La région s’étend de Thanh Hoa (au Sud de Hanoi) à Phan Thiet, à quelques heures au Nord de Saigon.

Il possède son propre gouvernement, chapeauté toutefois par les résidents successifs français.


Des études en France

D’ailleurs à l’âge de 12 ans, Mariette (surnommée ainsi dans sa famille) est envoyée en France pour suivre des études au très chic Couvent des Oiseaux à Neuilly.

Car dans ses familles, une bonne éducation ne saurait se faire qu’en France ! C’est une enfant travailleuse, polie et contemplative qui apprécie la vie en Europe.

On sait peu de choses sur la jeunesse de la jeune Marie-Thérèse en France. Elle termine ses études secondaires en 1932 et rentre en Indochine sur le même bateau que le jeune roi Bảo Đại.

Sur le bateau qui la ramène au pays natal, elle ne croise pas le chemin du jeune roi. C’est donc en vraie parisienne qu’elle revient dans son pays natal pour passer des vacances à Đà Lạt, la station climatique très prisée des français dans les années 1930.


Son retour au pays et sa rencontre avec Bảo Đại

La rencontre aura officiellement lieu l’année suivante, en 1933, où l’un de ses oncles, influent, la présente au jeune roi Bảo Đại, qu’elle épouse quelques semaines plus tard à l’âge de 20 ans. Il s’agit d’un véritable mariage d’amour des 2 cotés.

C’est donc une histoire qui commence comme un conte de fée : un prince charmant, de l’amour, un mariage heureux. 


Un mariage catholique

Dotée d’un fort caractère, elle obtient, en dépit des traditions annamites très ancrées, un mariage catholique et un statut d’épouse unique (exceptionnel à cette époque où le concubinage et la polygamie sont encore d’usage).

Très attachée à son devoir, elle exige le titre d’impératrice, titre qu’aucune femme n’a jamais reçu auparavant dans l’histoire du pays.


Reine puis impératrice

Elle choisit de porter le titre d’Altesse impériale “Nam Phương”, ce qui signifie, en langue annamite, « Parfum du Sud ».

Elle devient ainsi impératrice d’un Vietnam colonial, avec tout ce que cela comporte d’honneurs et d’épreuves : la vie fastueuse à Huế, la capitale impériale, ou à Đà Lạt, la ville moderne des hauts plateaux, mais aussi les malheurs de la guerre, de l’occupation japonaise ou encore de la révolution communiste.

Nam Phuong est très appréciée du peuple. Elle s’investit énormément dans son rôle, visite régulièrement hôpitaux, crèches et écoles, et participe aux œuvres sociales.

Au côté de Bảo Đại, sincèrement épris au début de leur mariage, elle impose ses convictions et travaille à la modernisation politique et sociale du pays, notamment en favorisant l’accès à l’éducation et le travail des femmes.

Femme singulière, simple et moderne, elle lancera la mode des pantalons d’été et des tuniques brodées à l’indochinoise.


Une femme de courage et indépendante

Elle élève seule, à Huế, ses enfants dans le catholicisme en plus du bouddhisme. Elle les baptise d’ailleurs contre l’avis de leur père qui, ironie du sort, demandera le baptême à la fin de sa vie.

Les nombreux dons et secours financiers qu’elle fait ne pèsent aucunement sur le budget de la cour car elle dispose de sa propre fortune familiale.

En effet durant tout son règne, Nam Phương ne dépense que son argent personnel. Elle découvre ainsi que son mari doit obtenir l’autorisation de l’administration française pour toutes ses moindres dépenses.

La seule somme qu’elle demande au budget fédéral est la mise aux normes de son appartement privé au palais de Huế pour y installer des salles de bains, un vrai luxe à cette époque.


La fin de son règne et l’exil en France

En août 1947, elle retrouve son mari à Hong Kong, sans illusions sur ses infidélités. De 1949 (retour de son mari sur le trône) à 1953, elle passe plusieurs mois par an à Dalat.

En 1955, la révolution communiste et la chute de Dien Bien Phu. Bao Dai quitte le Viêt Nam en 1955, Ngô Dinh Diêm étant devenu président de la république du Sud Viêt Nam, grâce à des élections truquées. Ce qui la contraint, elle aussi, à quitter son pays pour sauver ses enfants. Cette fuite l’oblige à renoncer à son engagement politique, lui laissant 2 profondes et immenses blessures : l’infidélité de son époux, dont elle était profondément amoureuse et le Vietnam en guerre.

Une seule ombre personnelle dans ces années, c’est une surdité intermittente qui s’aggravera avec l’âge. Mais Bảo Đại commence à la tromper et à négliger ses obligations de monarque au début des années 1940, trouvant sa femme trop rigoriste. 

Destitués en 1955 la famille royale s’exile alors à Cannes, sur la Cote d’Azur, où elle vit de 1955 à 1958. Mais lassée de toutes les mondanités dues à son statut d’ex-impératrice consort, elle se sépare de son mari (qui après avoir été roi puis empereur devint un temps chef de l’Etat vietnamien).

La solitude continuera de la poursuivre puisqu’elle se retrouvera seule en France après le retour de son mari au Vietnam pour reprendre le pouvoir.


Sa retraite en Corrèze

En 1958 Nam Phuong décide de partir vivre seule avec ses 5 enfants , on pourrait même dire qu’elle se réfugie, dans le charmant et adorable petit village de Chabrignac en Corrèze, dans une propriété de 160 hectares “Le Perche“, qu’elle a achetée sur sa fortune personnelle.

C’est l’endroit idéal pour l’ex-impératrice qui souhaite paix et tranquillité.

Aux côtés de ses enfants et des habitants du village avec qui elle se lie d’amitié, elle vit sereinement. Elle y finira sa vie, trop courte, enfin apaisée, après avoir traversé des moments tragiques et douloureux de l’Histoire.

La légende veut qu’après avoir pris sa revanche sur son mari infidèle, elle s’amourache d’un kinésithérapeute français communiste ! Un comble pour celle qui a combattu le communisme toute sa vie.

Sa mort brutale et fulgurante, le 15 septembre 1963, surprend tout le monde. Sa dépouille est enterrée dans le cimetière du village. L’ancien empereur assiste aux funérailles : ce sera sa dernière visite sur le sol français.

Sur sa tombe, on peut lire « Ici repose l’impératrice d’Annam née Marie-Thérèse Nguyen Huu Thi Lan ». À Chabrignac, en Corrèze, le souvenir de la seule femme ayant reçu le titre d’impératrice de toute l’histoire du Vietnam est entretenu avec beaucoup d’émotion.


Une femme riche d’une beauté simple et moderne

Splendide, pleine de talents, vertueuse et femme de devoir, celle, dont le nom évoquait un parfum, a laissé dans l’histoire une effluve plus que discrète.

En effet, de façon surprenante, les archives d’outre-mer, pourtant si riches sur l’Indochine, ne possèdent aucun dossier à son sujet.

Cependant au Vietnam, personne n’a oublié sa majesté Nam Phương et de Hà Nội à Huế, de Sài Gòn aux moindres villes de provinces, de nombreuses petites filles portent aujourd’hui son nom.

Celle qui était restée plus femme qu’elle n’était devenue impératrice et qui, à la fin de sa vie, est redevenue ce qu’elle n’avait jamais cessé d’être : une femme simple et moderne !


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